
Rebozo, vêtement ancestral ? Un symbole d'identité mexicaine
Le rebozo est sans aucun doute un symbole d'identité profondément enraciné dans la culture mexicaine. Bien qu'il ait gagné en popularité en Europe ces dernières années grâce à des cérémonies, des rituels et des pratiques "bien-être", il est essentiel de souligner que le rebozo n'est ni un soin ni une technique : c'est un vêtement chargé d'histoire et de tradition.
Vous souhaitez en savoir plus sur son origine ? Lisez la suite.
Un héritage historique
Le rebozo était si répandu parmi les femmes au Mexique au XVIIIᵉ siècle que, peu à peu, à l'époque révolutionnaire, il s'est consolidé comme un élément clé de la tenue féminine et un symbole national. Cet accessoire fait non seulement partie de notre identité, mais il a également été mentionné dans des chroniques et des œuvres littéraires depuis l'époque coloniale, il y a plusieurs siècles.
Les premières références documentées au rebozo, vers la fin du XVIᵉ siècle, le décrivent comme un vêtement de modestie, utilisé pour couvrir la tête des femmes considérées comme chastes lorsqu'elles sortaient de chez elles, en particulier pour aller à l'église. Cependant, certains indices suggèrent que son histoire pourrait remonter à l'époque préhispanique, en lien avec des textiles tels que l'ayate et le mamatl, utilisés par les cultures indigènes pour transporter des objets, de la nourriture et même des idoles religieuses.
Ces manteaux, représentés dans les codex préhispaniques, avaient non seulement une fonction pratique mais aussi cérémonielle. Leur transformation au fil des siècles témoigne de la capacité des peuples autochtones à s'adapter et à préserver des éléments de leur culture dans un contexte de conquête et de métissage.
De symbole de modestie à outil multifonctionnelle
Bien qu'à l'origine lié à la modestie, le rebozo a rapidement acquis de multiples fonctions : porter des enfants, transporter des objets, et bien sûr, comme symbole de féminité, de travail, de maternité et de force. Comme l'a décrit Núñez y Domínguez :
« Pour se couvrir la tête ou pour orner le buste. C'est aussi le berceau traditionnel des enfants des pauvres ; des mouchoirs dans lesquels les femmes s'essuient, des paniers improvisés où les femmes indigènes transportent leurs légumes au marché, une couverture pour le nourrisson qui dort paisiblement près de sa mère qui travaille. Tordue sur la tête, sa pointe sert de support aux paniers remplis de fruits, ou déployée, elle couvre la marmite de tamales au coin de la rue. »
De nos jours, beaucoup désignent à tort comme "rebozo" tout vêtement tissé similaire, sans prendre en compte le matériau ou la technique utilisés.
Le rebozo : un trésor artisanal
Ana Paula Gámez Martínez décrit le rebozo classique, celui qui a atteint son apogée à l'époque coloniale, comme une pièce rectangulaire très longue, traditionnellement confectionnée en coton, soie, artisela ou un mélange de ces matériaux. Il pouvait être uni ou orné de bandes longitudinales teintées à l'aide de techniques ancestrales comme l'"ikat" ou "teinture par réserve". Ses extrémités, connues sous le nom de franges ou rapacejo, étaient travaillées à la main avec différentes techniques artisanales.
Les rebozos tissés avec la technique de l'ikat proviennent principalement des hauts plateaux centraux du Mexique, dans des lieux tels que Tenancingo et Santa María del Río, et sont confectionnés sur des métiers à tisser à dos, une technique préhispanique toujours en usage aujourd'hui.
Selon Núñez y Domínguez, les principaux États producteurs de rebozos sont l'État de Mexico, Jalisco, San Luis Potosí, Puebla et Oaxaca. Dans d'autres régions, on trouve également des rebozos locaux, généralement en laine ou en coton, qui n'utilisent pas nécessairement la technique de l'ikat.
Un vêtement aux racines profondes
L'origine exacte du rebozo demeure un sujet de débat. Les recherches de spécialistes comme les époux Cordry suggèrent que son adoption par les femmes métisses pourrait être liée à l'Édit de 1528, qui interdisait ces femmes de s'habiller comme les indigènes. D'autres théories avancent qu'il serait né d'une imposition des missionnaires, exigeant que les femmes indigènes se couvrent la tête pour entrer dans les églises.
Bien que certains considèrent le rebozo comme un vêtement métis, fruit de la fusion culturelle post-conquête, des experts comme Ruth Lechuga soulignent que sa conception et sa fonctionnalité se rattachent directement à des textiles précolombiens comme l'ayate et le mamatl. Selon Lechuga, les franges seraient un ajout métis, mais la structure de base du rebozo et son tissage sur métier à dos possèdent un fort héritage indigène.
Réflexion : identité culturelle à travers le rebozo
L'origine précise du rebozo reste un débat. Cependant, cette diversité d'études et de théories nous rappelle une vérité essentielle : le Mexique est un pays forgé par le métissage et la résistance culturelle. Pendant plus de 300 ans de domination coloniale, nos traditions et nos peuples autochtones ont dû s'adapter, se transformer, voire se taire pour survivre.
Le rebozo est un parfait exemple de cette capacité de résilience culturelle. Au-delà de son origine exacte, porter un rebozo, c'est se connecter à nos racines. C'est revendiquer le travail artisanal, l'héritage préhispanique et cette aptitude au changement qui définit notre peuple.
Chaque rebozo tissé à la main raconte une histoire : celle de ses artisans, qui l'ont façonné avec patience et savoir-faire ancestral ; celle des communautés qui résistent à travers leur art ; et celle d'une identité qui refuse de disparaître.
L’habillement traditionnel mexicain, comme le rebozo, ne se limite pas à réchauffer ou protéger : il est un véhicule de mémoire et de culture, préservant notre histoire et nos valeurs. Par ses motifs, ses couleurs et ses textures, il perpétue une richesse culturelle inestimable. Et par sa production artisanale, il soutient des communautés entières tout en nourrissant la fierté de nos origines.
Défendre le rebozo, c’est défendre la créativité, la résistance et la diversité du Mexique. C’est reconnaître que, bien que nos traditions aient évolué et se soient métissées, elles nous appartiennent et méritent d’être préservées.
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